lundi 7 octobre 2013

Robin des rues.

La rentrée, ce fléau.

Non, l'introduction de ce nouvel article ne sera ni plus longue ni plus recherchée, mais elle a au moins le mérite d'enfin mettre une fin à mon long silence estival. Rassurez-vous, son titre n'a d'ailleurs non plus aucun rapport avec la nouvelle comédie musicale starifiant Matt Pokora et son carquois sous les projecteurs.

C'est donc surtout l'occasion pour moi de lourdement dénoncer cette étrange habitude occidentale, en général aux alentours de Septembre, consistant à retourner de manière forcée sur le lieux que nous avons jubilé quitter quelques semaines auparavant. 

Quelle lourde épreuve que de remettre son sac scolaire sur le dos, ou de se munir précipitamment de sa cravate planquée au fond du placard suite au énième retentissement strident du premier réveil matinal, donnant l'envie de se lever avoisinant celle de se percer l'artère fémorale.

Ah les vacances, ce (trop) petit bout de vie où tout un chacun fusille son capital UV chaque année dès sa première sortie plage ou barbecue, victime de sa propre fougue, se faisant ainsi tanner la peau au soleil aussi harmonieusement que celle d'un Écossais en surpoids passant ses vacances au Cap d'Agde. 

Le physique...c'est facile, me direz-vous. Mais le hasard faisant bien les choses, c'est en fait le sujet principal des quelques lignes que je m'en vais vous rédiger dans la joie et la bonne humeur. 

Alors si je vous dis "Abercrombie & Fitch", je ne vous apprends rien, jeunes branchés que vous êtes. J'imagine que certains d'entre vous se revoient peut-être même en train d'acheter un polo frappé de l'élan tant désiré suite à une longue après-midi à arpenter les grandes avenues d'une capitale comprenant une de ses si rares boutiques.

Précieux sésame d'ailleurs acquis entre les corps de rêve des mannequins déambulant dans le magasin, et ceux en général moins musclés, de plus petite taille, avec les yeux bridés et un bob sur la tête prenant frénétiquement la devanture du magasin en photo.

La marque vestimentaire Américaine fait donc rêver plus d'un jeune à travers le monde via son culte du physique irréprochable, mais divise également depuis longtemps de par l'image segmentaire qu'elle véhicule.

Pour ceux qui ne l'ont pas déjà vue, voici la dernière initiative marquante en date (il y a quelques mois) visant le géant de la sape huppée: 




Géniale ou scandaleuse, la stratégie marketing d'AF vise à ultra-cibler sa clientèle excluant ouvertement les personnes ne rentrant pas dans le cadre de l'image de marque souhaitée, en triant selon l'aspect physique et les catégories sociales.

La citation choisie dans la vidéo des enfants "cool" me rappelle d'ailleurs douloureusement le regard dévastateur de mes nouveaux camarades de classe de collège lors de ma première glorieuse entrée dans la cours, découvrant interloqués mon combo vestimentaire osé "basket à scratch-salopette-cartable" du primaire rural et sûr de moi que j'étais, me plaçant très certainement sur le podium des enfants que la marque n'aurait voulu sponsoriser pour rien au monde.

Parenthèse nostalgique fermée, l'idée de Greg Karber (créateur de cette vidéo) fut à la base simple, utiliser la stratégie de la marque pour la retourner contre elle-même. Deux objectifs: Décrédibiliser l'image Abercrombie and Fitch en viralisant son initiative, tout en y associant un aspect humanitaire en habillant les plus démunis avec des habits de la marque.

Une idée risquée (avec "l'utilisation" et la mise en avant des Sans Domiciles Fixes) mais qui fait mouche.

En effet, surfant sur le retour médiatique de l'époque du scandale du choix de la marque à ne pas proposer des grandes tailles (XL et XXL), cette vidéo a été visionnée plusieurs millions de fois et a suscité plusieurs dizaines de milliers de mentions sur les réseaux sociaux.

Loin du coup d'épée dans l'eau de certains "bad-buzz", l'impact de la vidéo va fortement contribuer Mike Jeffries (PDG décoloré botoxé du groupe) à publiquement présenter ses excuses. Changement de cap historique pour la marque, mais surement trop tardif, ne pouvant difficilement éviter l'iceberg de lassitude et de mécontentement général de l'opinion publique.

Tout l'intérêt de cet article est là, c'est à dire l'analyse et la prise de recul sur l'impact des offensives engendrées contre la marque.

Les résultats du groupe sur le troisième trimestre 2013 sont impressionnants: -11% sur ses ventes aux USA (son marché principal représentant 67% de ses revenus) et une action en bourse reculant même jusqu'à -18% le 22 août 2013. La situation actuelle a déjà conduit la marque à fermer une centaine d'enseignes sur son marché national et prévoit d'en fermer 135 autres d'ici 2015 (Sources: lemonde.fr et leplus.nouvelobs.com).

Une régression économique notoire qui pousse à réfléchir sur la légitimité et la puissance croissante de la force de frappe des internautes dans leur rapport avec les marques.

Conclusion, que l'évolution soit significative ou non sur le long terme, que l'on soit d'accord sur le principe ou non, n'est-il pas génial de savoir plus généralement qu'à l'heure actuelle un outil quotidien permet de valoriser la créativité humaine au service des valeurs et des causes qu'elle souhaite défendre?

Je ne sais pas vous, mais ma vieille salopette et moi avons notre avis sur la question.