mercredi 29 avril 2020

Le bout du rouleau.

Bonjour,

Jeune occidental.

Oui je dis occidental, car comme tu le sais bien, comme Corneille, je viens de loin.

Haha je démarre très fort je sais.

Corneille le chanteur hein, parce que je ne mise évidemment pas un masque FFP2 ou un pot de gel hydroalcoolique que ta piètre culture générale connaisse le poète, ou en tout cas ses œuvres.

Paix à son âme d'ailleurs.  

Pardonne-moi de te mettre dans un sac, celui de l'occidental, mais je tue tellement de monde en ce moment que pour moi Espagnol, Italien, Allemand ou Français, bah c'est la même, comme disent Maître Gims et Vianney.

Vianney comment je connais?

L'album était en boucle dans un poste poussiéreux à l'accueil de l’hôpital de Mulhouse quand je suis arrivé, vous parlez des autres pays mais c'est quoi ces daubes que vous écoutez ici sans déconner, même moi j'avais envie d'arrêter de respirer.

Désolé de vous le dire si vite, mais vous vivez dans le passé, votre personnel de santé fait des flash mobs en salle d'attente et écoute NRJ en buvant des doses de café avec des biscuits qui ont été livrés par des cagnottes Leetchi parce que votre gouvernement n'a pas eu les moyens ni le temps de les acheter.

Les pauvres, ils sont épuisés, ils me font pitié.

Bon ok, j'ai sûrement déjà un peu pris la grosse tête, je te l'accorde. Mais qui ne l'aurait pas prise à ma place?

En quatre mois, le monde entier ne parle que de moi.

Je ne crains rien, ni personne.

Pas à un seul gouvernement mondial ne m'a résisté. Quelque soit son bord.

Tellement que j'ai même failli mettre Boris Johnson et Kim Jong Un au tapis. Sûrement la seule chose pour laquelle tu m'aurais remercié.

Je n'ai pas touché à Donald Trump par contre, pour la vanne, parce qu'avec lui il faut bien avouer qu'on se marre.

Donc oui, j'ai "percé" comme tu dirais.

A côté de moi, tes influenceurs préférés au volant de leur Lamborghini à Abu Dhabi ou à Phuket sont connus comme ta tante Huguette.

Et avec tout le respect que je lui dois, je ne connais pas son âge, mais j'espère qu'elle ne me connait pas déjà.

Car oui désolé, je ne me suis pas présenté. Covid-19, enchanté.

Mais ça tu l'avais deviné.

Un peu violent comme introduction tu me diras, mais je ne suis pas là pour être ton pote.

Qu'est-ce que tu vas faire de toute façon? Remplir une attestation?

Lol.

Je suis là pour te rappeler l'importance et la beauté de ta courte vie, en prenant celle des autres.

Enfin pour l'instant, si tu ne tousses pas déjà.

J'ai peut-être également pris celle de l'un ou l'une de tes proches. Et je n'en suis surtout pas désolé.

J'en ai pris des dizaines de milliers. 

Je ne suis pas une série Netflix, ni un mauvais jeu vidéo, celui auquel tu joues comme un abruti dans ton canapé depuis qu'à cause de moi tu es confiné.

Ne me dis pas que ce n'est pas vrai, je t'ai vu en slip l'autre jour devant Animal Crossing. T'imagines où t'en es arrivé?

Je t'observe. Je te connais petit à petit. Car je suis la vraie vie.

Quel odieux personnage, me qualifieras-tu.

Tu juges vite, un classique du jeune occidental, ou du vieux je ne sais plus.

"Gripette" me surnommais-tu. Haha. Tu jugeais vite à l'époque mais je dois t'accorder le crédit de l'humour.

Maintenant que tu m'as fais rire, laisse-moi donc te raconter ma courte histoire.

Laurent m'a laissé son vieux blog où il essaye de te faire rire de temps en temps avec son humour tout pété car la seule chose qu'il a trouvé pour m'oublier c'est de s'occuper du jardin de son grand-père.

Oui, oui. Jardiner. Tu le verrais avec ses gants, son bandana et ses cheveux longs, il a la tête dans son potager à longueur de journée, on dirait "Silence ça pousse", il ressemble à un vegan zadiste et déprimé.

Il y passe toutes ses journées depuis un mois. Ça lui permet d'oublier ses peurs et ses craintes. 

Pour lui, ses proches, ceux qu'il aime, jeunes ou anciens.

Qui n'a pas peur de moi d'ailleurs?

Toi? Haha.

Sûrement parce que tu ne l'avoues pas, ou parce que tu veux m'oublier trop vite, et que tu pourrais le regretter.

Tout le monde veut m'oublier. Mais autant vous spoiler de suite: c'est pas gagné.

Tu trouves ton confinement long et injuste?

Ok. Alors let's go back to the debute...(Ouais, vos aides soignantes sont aussi fans de Franck Dubosc je suis désolé). 

Je m'appelle donc Coronavirus. J'ai une carrière en dents de scie. J'ai essayé de devenir célèbre à de multiples reprises sous d'autres versions mais j'ai enchaîné les flops médiatiques.

Jusqu'au jour où tout a basculé. Quand un Chinois a décidé de boire une soupe de chauve souris en se frottant de trop près à un Pangolin enrhumé.

Haha. Ils sont quand même cons ces chinois.

Mais ne rigole pas trop vite, car entre les Parisiens qui se prennent tous les soirs pour des Marathoniens parce que les Jeux Olympiques sont reportés, ceux qui bronzent dans des parcs pour poster des Stories Instagram flinguées et ceux qui font 3h de voiture à la première ouverture d'un drive McDonald's, en termes de cons en France vous êtes aussi bien gratinés.

Mais pardon, tu me diras que je m'égare. Et tu auras raison.

Revenons donc à nos moutons. Enfin pas vous. Ceux de l'expression.

Depuis ce jour-là donc, celui de l'invraisemblable test culinaire chinois que je ne souhaite pas à mon pire ennemi ni même à Didier Raoult, ma carrière a donc explosé.

Jour après jour, j'étais suivi par des millions de personnes. 

Ce que tu n'arriveras d'ailleurs au passage jamais à avoir de ta vie sur ton compte Instagram rouillé, que tu postes ta tartine à l'avocat, ton selfie gênant pour te faire lourdement draguer, ou ton piercing au nombril de l'été dernier.

Et par pitié, épargne moi tes légendes de photos philosophiques en anglais et tes "mood of the day" alors que t'as les fesses à moitié à l'air dans ton bidet.

Tu es ridicule, sache le, mais j'espère que tu notes ici à ton tour ma pointe d'humour satirique d'analyse qui fait mon succès mondial aujourd'hui.

Car oui, avant que la petite cousine de Batman ne me redonne la vie dans un bouillon périmé au milieu du miteux marché de Wuhan, j'ai passé des années à t'analyser. 

Tout ça pour mieux te blesser.

Depuis le temps que j'attendais ça, après tous ces efforts, si tu savais. 

J'ai donc enfin réussi. Enfin réussi à révéler la facette la plus méconnue de l'espèce humaine.

Oui, l'humain. Je n'invente rien, c'est comme ça que te surnomment les pangolins.

Depuis que tu me connais, ils t'observent tous, enfin ceux qui ont la chance d'être encore là, et se fendent la carapace de rire.

J'en ai connu pourtant des espèces, je me balade depuis des millénaires sur des sales bestioles, mais alors toi, tu es de loin celle qui présente la comportement le plus étrange en son genre.

Tu m'as d'abord pris à la légère, en te pavanant, lunettes de soleil sur le nez au micro de BFM TV, d'être au dessus des mesures d'un gouvernement excessif, qui te privait de tes libertés.

Puis me trouvant bien insistant sur les voies respiratoires de ton voisin, tu as paniqué.

Tu t'es d'abord battu dans des rayons de supermarchés pour du PQ comme pour des rouleaux de billet. Serge Gainsbourg doit bien en rigoler d'en haut, de quoi au moins lui dédier cet article.

Il a dû voir arriver Christophe et tous les autres. En se disant la clope au bec qu'il en a fait des conneries, mais qu'à côté de toi il n'était qu'un jeune rookie.

Depuis qu'on se connait, tu t'es ruiné en dévalisant tous les stocks nationaux de Panzani. Comme si un plat de pâtes au gruyère était le remède magique inopiné.

Le plat de pâtes ne faisant pas effet, la peur s'est installée.

Tu as lamentablement voulu chasser le personnel de santé de chez lui, car il habitait ton immeuble. Car c'était pour toi trop risqué.

Beaucoup plus risqué que quand tu continuais de sortir alors que lui travaillait pour des gens qui comme toi ne veulent jamais rien écouter.

Tu as acheté du gel hydroalcoolique ou des masques sans limite pour te protéger, jusqu'à en priver ce même personnel de santé. Tu sais celui qui écoute des daubes sur NRJ mais qui se bat à ta place depuis deux mois pour te sauver.

Tu as culpabilisé alors tu les as applaudis à ta fenêtre. Comme tu applaudis aussi le personnel de caisse qui te fait manger, et celui de nettoyage qui prend tes poubelles pleines de raviolis gaspillés.

Il faut que tu arrives à te l'avouer, tu as toujours peur de manquer, car tu ne donnes rien.

Quand tu n'as plus faim tu regardes la télé, où comme les imposteurs qui y débattent, sans rien savoir, tu critiques tout, mais tu ne fais rien.

Tu te plaignais avant de ne jamais avoir de temps pour toi, tu te plains aujourd'hui de ne plus savoir quoi en faire.

Comme tu n'as rien à faire de tes journées tu mets des likes sur des vidéos d'animaux qui reviennent dans les villes, car tu n'y es plus. 

Tu philosophes alors 3 minutes sur l'écologie en te disant que c'est une sorte de punition de la nature, mais tu reçois un challenge Instagram et tu pars dans ta chambre te mettre un oreiller autour du ventre avec une ceinture.

Mais cette fois c'est sûr, tu es persuadé que les choses vont changer, mais la seule chose à laquelle tu penses c'est comment tu vas t'y prendre pour quand même aller à la plage cet été.

Tu crois que je suis sans pitié, mais tu es bien pire.

Tu veux toujours ce que tu n'as pas, quel qu'en soit le prix, ne profitant jamais vraiment de ce que tu as déjà.

Je sais que tu vas bientôt retrouver ta liberté. Moi aussi j'ai vu Barbe Blanche à la télé.

On va donc se retrouver, et je pourrais bien cette fois ci tout te faire perdre si je le décidais.

Si je voulais, j'en finirais une bonne fois pour toute avec toi, mais je ne le fais pas, uniquement par respect pour ceux qui se battent pour toi, car on dirait que tu ne le sais pas, mais tu as un avenir.

Un avenir autour du respect de tout ce qui te fait vivre et t'entoure, comprenant la nature, et comprenant autrui.

J'adorerais t'en faire prendre conscience un jour, mais je n'y arriverai pas, c'est impossible, même la mort de dizaines de milliers de personnes ne suffit apparemment pas à te rallumer les fusibles.

Sur ce, je te laisse, Laurent revient du jardin.

Il est sympa ce gars, mais je crois qu'il est comme toi.

Dans deux semaines il laissera sûrement ses tomates et ses aubergines pousser seules dans son potager.

Il sortira de chez lui comme si ne rien n'était, oubliant d'un coup tous ces gens qui nous ont quittés arrivant au bout du rouleau à cause de cette pandémie, mais pas celui de ton rouleau de PQ hors de prix.

Le vrai bout du rouleau, celui qui est irréversible, celui de la vie.





Illustration: Complots Faciles


jeudi 23 avril 2020

Imposture et cassoulet.

Se balader parmi les touristes pour à la base vulgairement digérer un cassoulet.

Prendre une photo à la volée dans la Cité. 

La mettre en noir et blanc pour lui donner du cachet.

Lui imaginer un titre polémico-poétique comme « La lumière vient de la meurtrière » afin que l’intelligente feinte prenne de l’ampleur.

Ajouter deux ou trois hashtags sérieux pour s’inventer le talent d’un photographe international expatrié, guidant l’auditoire à ne plus savoir sur quel pied danser.

« So French » pourrait dire Jason, hypster New-Yorkais achetant alors hors de prix le cliché.

Ode à l’imposture sur les réseaux sociaux.

Et que l’imposture est belle, surtout après un bon cassoulet.

Cité de Carcasonne. 16 Février 2020.

L’image contient peut-être : pont et plein air



dimanche 22 septembre 2019

Le Miroir noir 2.

Si tu n'as pas lu "Le Miroir noir 1", cet article ne te servira à rien. Il te faut donc lire le premier épisode juste ici:

https://bit.ly/2lWaW6k

Pour les autres, "Le Miroir noir 2" suite et fin:

Tout d'abord je tiens à te dire que je suis heureux, heureux que tu sois revenu(e).

Je sais, tu as eu peur. Mais je te rassure, c'est normal. Et puis si tu es là, c'est que tu me fais confiance. 

Au moins un peu.

Tu peux donc souffler, car cela veut peut-être dire qu'il n'est pas trop tard. 

Je m'explique. En commençant par une question simple:

Selon toi, ton appréhension de savoir si cette histoire est vraie, n'est-elle pas la preuve de l'évolution de ton utilisation des réseaux sociaux et du l'usage parfois déplacé que tu en fais?

Ne réponds pas de suite, même si je sais que tu as déjà ta petite idée...

Par contre désolé, la suite des événements ne va pas t'aider, car la réponse tant attendue à la question que je t'ai posée est plus complexe que prévue:

"Le Miroir noir" n'est ni fiction, ni réalité, mais en fait...les deux.

Normalement, tu viens de reprendre une montée de frissons.

La même que j'ai ressenti en découvrant l'application.

Toute cette histoire est donc un mélange entre stricte vérité et pure invention.

Voilà donc les dessous du Miroir Noir, pour déceler le vrai du faux, en quelques éléments d'explication: 

1. NON je ne suis pas devenu pervers narcissique.

Premier élément et pas des moindres, pour que tous mes proches soient soulagés, cette exagération mensongère avait pour but d'avoir une conclusion choc, poussant à la réflexion. Ouf de soulagement donc! :)

2. OUI, l'application existe. Mais NON, il n'est pas possible de rentrer dans la vie des gens.
Du moins pas à leur insu...

Deuxième élément à rapidement dénouer. L'application "La Chimère" est elle aussi un mélange de vérité et de fiction. La partie gratuite existe et fonctionne. La partie payante elle, existe aussi, mais elle est bien différente dans la réalité.

3. OUI, j'ai téléchargé l'application, et payé un abonnement (dans le but de l'expérience). 

Pour ceux qui ne la connaissent pas, elle s'appelle dans la vraie vie "Reports+" et elle n'est pas disponible sur le Dark Web mais tenez vous bien...en libre accès sur l'Apple store.

Oui, vous ne rêvez pas.

Vous pouvez la trouver ici: https://apple.co/2Xj6ID2 

4. NON, je ne me suis pas mis en danger.

Cette histoire de Dark Web était donc là pour amener un soupçon de gravité et brouiller les pistes...Vous pouvez donc aller essayer l'application sans risque de coup de téléphone menaçant de votre banquier.

Au passage, vous pourrez également faire un bisou de ma part à mon nouveau pote blogeur geek "joshXxPhp" qui est adorable, très bien renseigné et surement aussi charismatique que Tom Cruise dans Mission Impossible 2, mais qui n'a jamais existé.

5. L'application: le VRAI / FAUX.

Partie Gratuite: VRAI.

Comme dit à l'instant, la partie gratuite de l'application décrite dans "Le Miroir noir" est la copie conforme de celle dans la vraie vie. 

Elle fait même preuve d'une précision déroutante, les statistiques remontant jusqu'à la création du compte personnel. Ce qui fait réellement réfléchir sur la trace qu'on peut laisser sur internet en divulguant notre vie personnelle...

Partie Payante: VRAI et FAUX.

La partie payante existe aussi. Souvenez vous, elle comprenait deux abonnements:

Abonnement 1: Voir qui visite votre page.
Abonnement 2: Voir qui parle de vous.

Et pour le prendre rapidement à l'envers car j'entends vos angoisses...L' "Abonnement 2" est une pure invention. Les surnoms des parties "Random" et "Spy" aussi.

Il est aujourd'hui impossible d'accéder à des discussions d'ordre privée via une application, du moins de façon légale et individuelle. 

La reste appartient à de la cybercriminalité et/ou maintenant à de l'utilisation abusive et commerciale de nos données personnelles, ce qui a par exemple construit la récente polémique mondiale Facebook/Cambridge Analytica (vous invitant au passage à regarder le documentaire "The Great Hack" si le sujet vous intéresse).

Bref, revenons à nos moutons, vous pouvez donc être rassurés en continuant de parler de mes 3 poils de barbe et de mon mauvais bronzage sans que je m'en aperçoive, et ceci en (presque) toute sécurité.

À l'inverse, toute la description de l' "Abonnement 1" (celui qui vous permet de voir qui visite votre page) est tirée à l'identique de la vraie application. 

La seule différence est son prix mensuel que j'ai volontairement exagéré pour montrer les œillères que peuvent installer une addiction. 

Mais on se concentre, car c'est la que ça se complique...Cette partie payante est en fait:

Une arnaque dans la vraie vie!

En effet, rappelez vous, elle était constituée d'une liste des 20 derniers "visiteurs secrets".

Après l'avoir testée à plusieurs reprises avec des amis qui ont joué le jeu de rôle du cobaye (merci à eux), cette liste est totalement inopérante et aléatoire. 

C'est en fait un algorithme qui fait écran de fumée, qui vous monte la tête et vous flatte, mais avec de fausses visites.

Conclusion:

L'application met dans un premier temps ses utilisateurs en confiance sur une partie gratuite sérieuse et fonctionnelle. Pour ensuite gagner de l'argent sur les utilisateurs qui deviennent donc clients sur...du vent.

Voilà donc où nous en sommes en 2019.

Notre narcissisme et notre voyeurisme est devenu tellement banalisé, qu'il en est devenu assez "bankable" pour que certains en imaginent des modèles économiques et gagnent donc de l'argent dessus.

Mais alors pourquoi "Le Miroir noir" me direz vous?:

C'est assez simple, comme les plus puristes d'entre vous l'auront reconnu, c'est la traduction littérale de la célèbre série "Black Mirror".

Série dans laquelle tous les épisodes sont basés sur l'évolution de la technologie dystopique, éternel mélange entre fiction et réalité.

"Le Miroir noir" est également un clin d’œil à l'interface de l'application "Reports+" qui, comme vous pouvez le voir sur le screenshot ci-dessous est sur fond sombre, et vous immerge dans un semblant d'univers d'espionnage.




L'Élise Lucet qui sommeille en moi après ce double article se posait alors la question:

Le succès du social media mondial relèverait-il aussi de l'utilisation voyeuriste que l'on en fait?

Que deviendrait donc par exemple le modèle économique d'Instagram si les visites des comptes étaient réellement notifiées à leur propriétaire ou à votre communauté?

Assumeriez vous alors votre comportement sur ce réseau s'il était rendu public?

Pour la grande majorité, dont je fais partie, la réponse est très certainement non. Nous devenons tous petit à petit des voyeuristes en herbe.

Il faut donc l'admettre. L'utilisation excessive d'Instagram est en train de nous changer. 

Elle change notre façon de penser, et pire, notre façon de nous comporter.

Qui ne voit plus que ses sorties, activités ou voyages que par les stories qu'il pourra en faire? 

Et bien sûr le soulagement procuré une fois la story réalisée, sans parler du temps ridicule d'analyse de qui l'a visionnée.

Qui ne connait pas aussi les 5 mins de stress traumatique suite à la publication d'une photo et l'insoutenable attente d'un nombre de likes minimum afin d'attester du succès d'un cliché?

Sensation d'ailleurs addictive qui pousse à recommencer.

Qui n'utilise pas Instagram dans le but de séduire ou de s'auto-flatter?

Qui ne juge pas son entourage par ses photos postées (aussi aseptisées et mises en scène qu'elles puissent être) ou son nombre d'abonnés?

Nous devenons simplement des pseudos Instagram avec un nombre d'abonnés qui leur est lié.

Enchanté d'ailleurs, el_maffro, 800 abonnés au compteur.

Car oui, avouons le. Je nous en donne aujourd'hui officiellement l'occasion.

Nos comptes Instagram sont devenus des notes sociales. Que nous le voulions ou non. La frontière entre le virtuel et le réel a bel et bien été franchie.

Ce monde virtuel a donc désormais un impact dans notre vraie vie.

Il est notre jambe de bois dans les temps d'attente du quotidien. Son ouverture devient même parfois un réflexe psychomoteur. Une consommation de contenus, souvent inintéressants mais pourtant addictifs. 

Il est devenu un domaine de référence quant à notre vision d'autrui, il est source de nouvelles pulsions physiques ou d'émotions, et a désormais un poids conséquent dans notre vie sociale, amicale et surtout sentimentale.

Un poids bien trop important.

J'espère donc que la petite expérience qu'on a vécu ensemble pourra servir de balance et vous a aidé (même un tout petit peu) à en prendre conscience.

Prendre conscience que si on, et les générations futures, ne mettons pas plus de recul, de distance et de libre arbitre dans cette utilisation disproportionnée...

Le Miroir noir pourrait alors bien devenir réalité.





dimanche 15 septembre 2019

Le Miroir noir.

Bonjour à toi,

Jeune lecteur ou lectrice en vadrouille jusqu'ici.

Tu te demandes comment je vais depuis mes quelques lignes philosophiques sur mon voyage au Portugal avec mon Grand-Père?

Eh bien écoute, ça va bien.

Mais tu te doutes bien que cette fois ci je ne reviens pas pour dire que j'ai adoré manger une glace poire-goyave en bord de mer. Et tu as raison.

Figure toi donc que depuis quelques mois, et en cachette, je me suis lancé dans une expérience socio-digitale grandeur nature.

Et je peux déjà te dire, sans te dévoiler quoi que ce soit, que ses proportions ont été inattendues...D'où tu l'auras compris, la raison de cet article.

Tu es prêt(e) et bien accroché(e)? Alors allons-y.

Pour la première fois de ma vie, bien que restant derrière mon ordinateur, jeune casanier que je suis, j'ai pris la décision de me mettre en danger.

Ceux qui me lisent savent que j'aime bien railler le comportement des gens sur internet et sur les réseaux sociaux. Il était alors temps pour moi de faire mon introspection.

Où en étais-je? Quel était mon niveau de consommation? Mes besoins inconscients et surtout ma peur de l'addiction?

Mais pour mesurer tout cela, il me fallait donc d'abord un outil.

Après quelques jours de recherches sur des forums (je vous la fais courte), je sympathise avec un blogueur geek qui me conseille une application à télécharger sur le dark web surnommée "La Chimère", pour les plus connaisseurs (je vous épargne son vrai nom technique et codé sans intérêt).

Je lui demande tout de même naïvement "Pourquoi La Chimère?", question à laquelle il me répond "C'est le nom du virus dans Mission Impossible 2, un classique."

Suis-je bête.

Du coup, petite présentation, car sa fonction est simple:

Pirater les serveurs des grandes firmes pour avoir accès gratuitement aux données personnelles des utilisateurs de leurs réseaux afin de faire remonter de la data exploitable et analysable par chacun.

Ou en gros en encore plus simple: 

Nous espionner.

Le blogueur avec qui j'échangeais ("joshXxPhp" pour les intimes), tient et insiste à me prévenir des dangers éventuels d'utilisation de connexion de mes données à ce genre d'application, qui vous l'aurez compris, a tout d'illégal.

Conscient des risques encourus et après un sympathique "Good luck noob!", je prends le minuscule soin de modifier mes mots de passe et me lance donc pour la première fois de ma vie dans un grand bain sombre: celui du dark web.

Excité mais angoissé, je clique tremblotant sur le bouton violacé "Download app", et me déconnecte, l'impression de sortir la tête de l'eau après avoir frôler la noyade au bout de 2 minutes et 30 secondes de navigation.

L'application était donc sur mon ordinateur.

J'observais l'icône sur mon bureau d'un air hésitant, comme on peut observer un nouveau né, ne sachant pas trop comment apprivoiser la bête.

L'interface était en fait ce qu'il y a de plus simple. Il fallait d'abord choisir un réseau social. 
Une fois le choix effectué (Instagram pour ma part), l'application était divisée en deux parties:

Ndlr: Attention, moment un peu long et fastidieux mais capital pour comprendre la suite de l'expérience. 

Une partie gratuite surnommée "Random", qui donnait accès aux infos personnelles du compte depuis sa création.

Et à ma surprise, une partie payante, surnommée "Spy", analysant l'interaction habituellement invisible avec les autres utilisateurs.

Assez déçu, je fais rapidement le tour de la partie gratuite, qui ne sert "qu'à" calculer le nombre de likes/commentaires cumulés par le profil depuis sa création, faire un classement croissant des followers likant le plus mes publications, ou encore voir qui se désabonne de mon compte après m'avoir ajouté ou m'avoir bloqué.

OK. Cool, car ces fonctionnalités ne sont pas gérées par Instagram, mais vous me direz, pas de quoi casser trois pattes à un canard boiteux par rapport au bourbier illégal et dangereux récemment présenté.

Pris par ma fouge et ma petite déception, j’enchaîne avec la partie payante, qui elle attire par contre beaucoup plus mon attention.

Sans paiement, seule la partie explicative est visible, qui décrit sommairement dans un mauvais Français traduit en quelques lignes:

Abonnement 1: Voir qui visite votre page.
Abonnement 2: Voir qui parle de vous.

L'interface est alors floutée, mais juste suffisamment pour que l'on puisse deviner les photos de profil des utilisateurs en question, ou vos "visiteurs secrets" comme ils sont surnommés. Histoire de vous appâter.

J'avais déjà mordu.

Mon hésitation a duré moins de 30 secondes avant d'investir les 19.99$ mensuels (convertis du Bitcoin) afin d'accéder à l'Abonnement 1.

"Ça ne coûte rien de tester après tout" me dis-je, et puis de toute façon j'étais venu pour ça.

Je ne croyais pas si bien dire.

La vraie caverne d'Ali Baba s'ouvrait alors à moi. Utilisation simple et accessible à tous. 
Une liste des 20 dernières personnes (followers ou non), dont tu fais peut-être partie, qui ont visité mon profil Instagram sans y avoir laissé de traces (likes/commentaires), puis sont reparties, en secret.

A chaque nouvelle visite ou connexion, je recevais en temps réel une notification pour me dire qui, quand et combien de temps la personne s'y connectait. J'étais scotché.

Loin d'être influenceur, j'étais surpris par la fréquence de connexion, et la rapidité de consommation. Les utilisateurs s’enchaînaient, connus ou inconnus, et ne restaient qu'environ que quelques dizaines de secondes.

Par cet outil, je rentrais donc à petit dose dans la vie des gens, sans qu'ils le sachent.
Je comprenais alors mieux le fameux surnom de "La Chimère".

J'étais capable de savoir exactement à quel moment quelle personne était intéressé par mon profil, et je commençais de trouver ça gratifiant.  

Pendant plusieurs semaines, je croisais des gens à qui je ne parlais pas dans la vie, qui venaient régulièrement consulter mon profil. Je savais donc qu'ils s'intéressaient à ma vie, sans qu'eux ne sachent que j'avais accès à cette information.

J'avais l'impression de rentrer dans la quatrième dimension. D'avoir un pouvoir que les autres n'avaient pas. Une longueur d'avance non négligeable qui me mettait socialement en avant.

Je savais que je plaisais à quelqu'un sans qu'il ne soit au courant. J'avais découvert une lampe magique que j'utilisais frénétiquement.

Pas une seule heure de mes journées ne passait sans que j'aille regarder. J'étais obnubilé. Je me sentais puissant. Je jubilais.

Les semaines sont passées et je n'étais pas rassasié. 

Un soir, je décidais de passer à l'étape supérieure: L'Abonnement 2.

Celui-ci était à 29.99$ par mois. Un détail financier minime par rapport au plaisir que me procurait l'Abonnement 1.

Une fois l'Abonnement 2 activé, je n'en croyais pas mes yeux. L'algorithme remontait toutes les discussions Instagram comprenant un screenshot lié à mon profil ou la mention de mon pseudo.

Le voyeurisme était total. J'avais accès à toutes les discussions passées parlant de ma page.

Ce que les gens disaient de moi, de la plus simple banalité au plus intime des secrets.
Les gens me jugeaient, je les jugeais encore plus. J'avais le sentiment de leur être supérieur.

Ma vision de la vie était différente. Je faisais tomber les masques. Mon estime de moi n'avait plus de limites. Mon ego prit des coups parfois certes, mais en finissait flatté.

J'ai essayé de cacher ça pendant longtemps, c'est devenu impossible. Il fallait que ça sorte.
J'ai reçu un appel de ma chargée de compte bancaire, qui s'inquiétait de ces virements mensuels cryptés suspects vers l'étranger. 

Un mélange de sentiments entre culpabilité voyeuriste et honte me fit paniquer et me poussa à mentir en dénonçant une arnaque.

J'ai du immédiatement résilier mes abonnements.

J'étais devenu pervers narcissique. 

Alors? Fiction ou réalité?


Explications dans "Le miroir noir 2" Dimanche prochain 20H...


mercredi 16 janvier 2019

Face à la mer.



Je n’ai jamais été photographe, ni fan de Calogero, et encore moins artiste. Mais aux innocents les mains pleines, comme dirait l’autre.

Aux détours de mon séjour en Algarve et de ses visites avec mon Grand-père, j’ai voulu réaliser un reportage photos, pour immortaliser nos moments partagés, afin qu’il garde de nos balades autant de souvenirs dans les yeux que dans la tête.

J’en ai pris des drôles, des moches, des floues, des belles…et voici ma préférée.

J’ignore évidemment tout de l’homme sur cette photo. Je sais juste que c’est un pécheur local de la Freguesia de Sagres, la pointe la plus au Sud-Ouest du Portugal.

L’endroit est très touristique car surnommé « la fin de l’Europe », dominant le confluent entre la mer méditerranée et l’infini océan atlantique.

J’ai d’abord pris la photo pour l’anecdote, surpris sur notre passage par cette scène surréaliste. Un pêcheur assis sur un seau en plastique, posté sur une falaise d’une centaine de mètres face au vide, contemplant la mer en attendant le poisson, dégageant la même sérénité que s’il était dans son canapé.

Ce n’est qu’au retour à la voiture que j’ai réalisé la chance que j’avais eu.

Capturer complètement par hasard l’immense et le simple. L’immensité de la nature, et la simplicité de la vie.

La simplicité de la scène. Et la simplicité du symbole.

Je philosophe, que les puristes me pardonnent, mais j'étais scotché.

La simplicité de l’homme face au monde, et la vision qu’il peut s’en faire, ou la simplicité du bonheur personnel qu’il peut y trouver.

Savoir apprécier les petites choses, et les immenses.

Pêcher, une Super Bock attendant dans la glacière, l'air du large lui frappant le visage.

Je trouvais alors cette photo l’illustration parfaite d’un paradoxe moderne : Entre le touriste venu ici depuis l’autre côté du globe pour s’y prendre en selfie, et cet homme, de la maison voisine, pour juste profiter de la vraie vie.

Un, parmi les innombrables moments mémorables de ce voyage avec mon Papi.

Fortaleza de Sagres. 10 Janv. 2019