Jeune lecteur ou lectrice en vadrouille jusqu'ici.
Tu te demandes comment je vais depuis mes quelques lignes philosophiques sur mon voyage au Portugal avec mon Grand-Père?
Eh bien écoute, ça va bien.
Mais tu te doutes bien que cette fois ci je ne reviens pas pour dire que j'ai adoré manger une glace poire-goyave en bord de mer. Et tu as raison.
Figure toi donc que depuis quelques mois, et en cachette, je me suis lancé dans une expérience socio-digitale grandeur nature.
Et je peux déjà te dire, sans te dévoiler quoi que ce soit, que ses proportions ont été inattendues...D'où tu l'auras compris, la raison de cet article.
Tu es prêt(e) et bien accroché(e)? Alors allons-y.
Pour la première fois de ma vie, bien que restant derrière mon ordinateur, jeune casanier que je suis, j'ai pris la décision de me mettre en danger.
Ceux qui me lisent savent que j'aime bien railler le comportement des gens sur internet et sur les réseaux sociaux. Il était alors temps pour moi de faire mon introspection.
Où en étais-je? Quel était mon niveau de consommation? Mes besoins inconscients et surtout ma peur de l'addiction?
Mais pour mesurer tout cela, il me fallait donc d'abord un outil.
Après quelques jours de recherches sur des forums (je vous la fais courte), je sympathise avec un blogueur geek qui me conseille une application à télécharger sur le dark web surnommée "La Chimère", pour les plus connaisseurs (je vous épargne son vrai nom technique et codé sans intérêt).
Je lui demande tout de même naïvement "Pourquoi La Chimère?", question à laquelle il me répond "C'est le nom du virus dans Mission Impossible 2, un classique."
Suis-je bête.
Du coup, petite présentation, car sa fonction est simple:
Pirater les serveurs des grandes firmes pour avoir accès gratuitement aux données personnelles des utilisateurs de leurs réseaux afin de faire remonter de la data exploitable et analysable par chacun.
Ou en gros en encore plus simple:
Nous espionner.
Le blogueur avec qui j'échangeais ("joshXxPhp" pour les intimes), tient et insiste à me prévenir des dangers éventuels d'utilisation de connexion de mes données à ce genre d'application, qui vous l'aurez compris, a tout d'illégal.
Conscient des risques encourus et après un sympathique "Good luck noob!", je prends le minuscule soin de modifier mes mots de passe et me lance donc pour la première fois de ma vie dans un grand bain sombre: celui du dark web.
Excité mais angoissé, je clique tremblotant sur le bouton violacé "Download app", et me déconnecte, l'impression de sortir la tête de l'eau après avoir frôler la noyade au bout de 2 minutes et 30 secondes de navigation.
L'application était donc sur mon ordinateur.
J'observais l'icône sur mon bureau d'un air hésitant, comme on peut observer un nouveau né, ne sachant pas trop comment apprivoiser la bête.
L'interface était en fait ce qu'il y a de plus simple. Il fallait d'abord choisir un réseau social.
Une fois le choix effectué (Instagram pour ma part), l'application était divisée en deux parties:
Ndlr: Attention, moment un peu long et fastidieux mais capital pour comprendre la suite de l'expérience.
Une partie gratuite surnommée "Random", qui donnait accès aux infos personnelles du compte depuis sa création.
Et à ma surprise, une partie payante, surnommée "Spy", analysant l'interaction habituellement invisible avec les autres utilisateurs.
Assez déçu, je fais rapidement le tour de la partie gratuite, qui ne sert "qu'à" calculer le nombre de likes/commentaires cumulés par le profil depuis sa création, faire un classement croissant des followers likant le plus mes publications, ou encore voir qui se désabonne de mon compte après m'avoir ajouté ou m'avoir bloqué.
OK. Cool, car ces fonctionnalités ne sont pas gérées par Instagram, mais vous me direz, pas de quoi casser trois pattes à un canard boiteux par rapport au bourbier illégal et dangereux récemment présenté.
Pris par ma fouge et ma petite déception, j’enchaîne avec la partie payante, qui elle attire par contre beaucoup plus mon attention.
Sans paiement, seule la partie explicative est visible, qui décrit sommairement dans un mauvais Français traduit en quelques lignes:
Abonnement 1: Voir qui visite votre page.
Abonnement 2: Voir qui parle de vous.
L'interface est alors floutée, mais juste suffisamment pour que l'on puisse deviner les photos de profil des utilisateurs en question, ou vos "visiteurs secrets" comme ils sont surnommés. Histoire de vous appâter.
J'avais déjà mordu.
Mon hésitation a duré moins de 30 secondes avant d'investir les 19.99$ mensuels (convertis du Bitcoin) afin d'accéder à l'Abonnement 1.
"Ça ne coûte rien de tester après tout" me dis-je, et puis de toute façon j'étais venu pour ça.
Je ne croyais pas si bien dire.
La vraie caverne d'Ali Baba s'ouvrait alors à moi. Utilisation simple et accessible à tous.
Une liste des 20 dernières personnes (followers ou non), dont tu fais peut-être partie, qui ont visité mon profil Instagram sans y avoir laissé de traces (likes/commentaires), puis sont reparties, en secret.
A chaque nouvelle visite ou connexion, je recevais en temps réel une notification pour me dire qui, quand et combien de temps la personne s'y connectait. J'étais scotché.
Loin d'être influenceur, j'étais surpris par la fréquence de connexion, et la rapidité de consommation. Les utilisateurs s’enchaînaient, connus ou inconnus, et ne restaient qu'environ que quelques dizaines de secondes.
Par cet outil, je rentrais donc à petit dose dans la vie des gens, sans qu'ils le sachent.
Je comprenais alors mieux le fameux surnom de "La Chimère".
J'étais capable de savoir exactement à quel moment quelle personne était intéressé par mon profil, et je commençais de trouver ça gratifiant.
Pendant plusieurs semaines, je croisais des gens à qui je ne parlais pas dans la vie, qui venaient régulièrement consulter mon profil. Je savais donc qu'ils s'intéressaient à ma vie, sans qu'eux ne sachent que j'avais accès à cette information.
J'avais l'impression de rentrer dans la quatrième dimension. D'avoir un pouvoir que les autres n'avaient pas. Une longueur d'avance non négligeable qui me mettait socialement en avant.
Je savais que je plaisais à quelqu'un sans qu'il ne soit au courant. J'avais découvert une lampe magique que j'utilisais frénétiquement.
Pas une seule heure de mes journées ne passait sans que j'aille regarder. J'étais obnubilé. Je me sentais puissant. Je jubilais.
Les semaines sont passées et je n'étais pas rassasié.
Un soir, je décidais de passer à l'étape supérieure: L'Abonnement 2.
Celui-ci était à 29.99$ par mois. Un détail financier minime par rapport au plaisir que me procurait l'Abonnement 1.
Une fois l'Abonnement 2 activé, je n'en croyais pas mes yeux. L'algorithme remontait toutes les discussions Instagram comprenant un screenshot lié à mon profil ou la mention de mon pseudo.
Le voyeurisme était total. J'avais accès à toutes les discussions passées parlant de ma page.
Ce que les gens disaient de moi, de la plus simple banalité au plus intime des secrets.
Les gens me jugeaient, je les jugeais encore plus. J'avais le sentiment de leur être supérieur.
Ma vision de la vie était différente. Je faisais tomber les masques. Mon estime de moi n'avait plus de limites. Mon ego prit des coups parfois certes, mais en finissait flatté.
J'ai essayé de cacher ça pendant longtemps, c'est devenu impossible. Il fallait que ça sorte.
J'ai reçu un appel de ma chargée de compte bancaire, qui s'inquiétait de ces virements mensuels cryptés suspects vers l'étranger.
Un mélange de sentiments entre culpabilité voyeuriste et honte me fit paniquer et me poussa à mentir en dénonçant une arnaque.
J'ai du immédiatement résilier mes abonnements.
J'étais devenu pervers narcissique.
Alors? Fiction ou réalité?
Explications dans "Le miroir noir 2" Dimanche prochain 20H...
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